image_pdfEditer / Imprimer

L’étymologie du mot de “foi” est très riche, et en lien avec la théologie biblique. Avant même de s’intéresser à son aspect religieux, le mot “foi” tel que nous le prononçons aujourd’hui a une origine latine dans le terme fides qui désigne la confiance entre deux éléments, entre la personne et l’autre (autrui, fait, ou autre). Pour ce qui est de la théologie biblique, deux racines sont intéressantes à étudier : la racine hébraïque et la racine grecque. En hébreu, le mot foi est synonyme de fidélité et de croire, foi se prononce ‘èmunâh (qui donne “amen” aujourd’hui), fidélité se prononce ‘émèt et enfin croire est traduit par hé’èmîn ; ces trois termes proviennent en réalité d’une même racine : ‘mn, en somme, la foi selon son étymologie hébraïque est liée (par sa racine radicale) à la notion de fermeté. En grec, le mot foi se traduit par pistis (πίστις), et le mot croire par pisteuein (πιστεύειν) : ici, la racine grecque désigne la notion de persuasion.

La foi est d’abord l’assurance d’une chose, elle est en quelque sorte une garantie. Ce premier sens du mot foi se reconnaît dans l’expression courante “faire foi”. Cette garantie est rendue possible par le postulat d’un engagement antérieur, il se construit donc sur un a priori qui permet la confiance en la chose donnée, et c’est en cela que nous parlons d’une personne de “bonne foi” (la “mauvaise foi” désignant donc l’absence de garantie de la chose, une sorte de trahison rapportée à une promesse). Cette confiance qu’est la foi est rapportée à un extérieur à soi-même, une chose, une personne, un fait, une information, etc. Ce rapport de confiance absolue qu’on entretient avec l’extérieur, avec l’autre-que-soi est nommé foi, avec pour synonyme croyance. Il faut en réalité refuser à la foi le synonyme de certitude puisque contrairement à ce dernier terme, la foi n’est en aucun cas démontrable ni justifiable par des éléments concrets. Or on remarque que, dans le domaine scientifique, pour qu’il soit possible de croire à des phénomènes naturels, et surtout pour pouvoir les  comprendre, il faut que les phénomènes étudiés soient explicables, il faut pouvoir dégager de l’observation et de l’expérience des principes de connaissance. Dans ce cas, le savoir et la “confiance en la nature” ne peuvent passer que par la connaissance scientifique qui permet d’accéder à la compréhension du réel par l’explication des phénomènes. Dès lors, la croyance s’oppose à la science, la foi s’oppose à la raison. Si nous voulons rester dans le vocabulaire relatif à la foi, il nous faut reprendre les mots de Bossuet et distinguer la foi divine de la foi humaine : “Lorsqu’on croit quelque chose sur le témoignage d’autrui, ou c’est Dieu qu’on en croit, et alors c’est la foi divine : ou c’est l’homme, et alors c’est la foi humaine” (Connaissance de Dieu, I, xiv). Cette dichotomie fait apparaître le sens religieux de la foi qui en est certainement le plus commun.

Dans la théologie biblique, et dans la tradition religieuse en général, la foi est liée directement avec l’action de croire, or on peut croire à diverses choses : avoir une opinion s’appelle croire. Adhérer à une thèse, à un fait, etc., est quelque chose de différent, et pourtant nous retombons encore dans le domaine de la croyance. S’il nous faut nous concentrer sur la foi religieuse pour éviter la démonstration de la subjectivité humaine, nous nous orienterons vers la deuxième définition. Dans la Bible, le mot foi apparaît tôt, la première occurrence du terme se trouve en Genèse, 15, 6 : “Abram crut en Yahvé qui le lui compta comme justice”. C’est la foi d’Abraham qui, la première, paraît dans le texte biblique, et celle-ci est représentée selon un triptyque fondamental : la foi est soumise à une épreuve “Dieu éprouva Abraham” (Genèse, 22, 1) – qu’elle traverse dans l’obéissance au commandement divin – “parce que tu m’as obéi” (Genèse, 22, 18) – rendue possible par la confiance, constitutive de la foi sous toutes ses formes – “C’est Dieu qui pourvoira” (Genèse, 22, 8). Mais si Abraham a la foi, c’est bien que celle-ci s’attache à quelque chose : Dieu ? Non. Abraham n’a pas eu la révélation totale de Dieu, puisque cela est impossible à l’homme, mais Dieu parle à Abraham sans se montrer jamais. C’est là un élément fondamental de la théologie biblique : “Yahvé vous parla alors du milieu du feu ; vous entendiez le son des paroles, mais vous n’aperceviez aucune forme, rien qu’une voix” (Deutéronome, 4, 12). Il y a donc apparition (sans représentation) de Dieu à l’homme : Dieu se fait connaître, et par son apparition, par la Parole persuade (racine grecque) le croyant : dès lors, il a la foi. Parmi les adresses illustres de Dieu à l’homme, on se souvient des Discours de Yahvé en Job, 38-41. Mais comment se forme une communauté de foi, qui permet la polarisation des croyances et de “fonder” la foi (dans la mesure du possible, tout en sachant qu’un tel terme est trompeur) ? C’est par l’intermédiaire des envoyés de Dieu, des prophètes : des hommes choisis par Dieu pour transmettre la Parole aux hommes. Mais comment croire les prophètes ? Comment avoir foi en leur parole ? Il y a deux possibilités : soit le prophète continue la parole de Dieu, soit Dieu lui-même permet au prophète de faire des prodiges (Moïse, Élie). L’envoyé de Dieu est la médiété entre les croyants et le divin, il est le ciment de la communauté de foi qui s’entrenourrit elle-même : “Israël vit la prouesse accomplie par Yahvé contre les Égyptiens. Le peuple craignit Yahvé , il crut en Yahvé et en Moïse son serviteur” (Exode, 14, 31). La foi dans la communauté devient alors constitutive de la politique à l’intérieur de la cité humaine : plus qu’une constitution, elle y est nécessaire (on lit en Ésaïe, 7, 9 : “Si vous ne croyez pas, vous ne tiendrez pas”).

Les évangiles fortifient le rôle de la foi : Jésus lui-même affirmait que la foi était le principe du croyant, et le signe de l’avènement prochain du royaume de Dieu. Jésus ne dit-il point “Tout est possible à celui qui croit” (Marc, 9, 23) ? Mais en qui faut-il croire ? Jésus ne précise jamais la direction de la foi, bien qu’il fisse montre de foi en lui-même : “il parlait comme quelqu’un qui a autorité” (Matthieu, 7, 27). Le mot croire subit 98 occurrences dans l’Évangile de Jean  : les écrits qui mentionnent Jésus font état de sa volonté qu’on crut en lui (Jean, 2, 11 ; 3, 16 ; 14, 1). Car croire en Jésus, c’est selon ses propres paroles croire en Dieu (Jean, 12, 44). Quelle place pour les Écritures ? Le but des Évangiles est énoncé sans détour en Jean, 20, 31, il faut que le lecteur puisse “croire que Jésus est le Christ, le fils de Dieu”. La croyance et la foi se trouvent érigées en véritable monument dans la théologie paulinienne : Paul insiste tant sur l’aspect interpersonnel de la foi (rapport du croyant au Christ et à Dieu), que le croyant se trouve “dans le Christ” (2 Corinthiens, 5, 17). La radicalisation paulinienne de la foi offre une réponse au questionnement original (qu’est-ce que la foi ?) : à savoir que la foi est l’offre du royaume de Dieu, du pardon des péchés et de la vie dans l’amour du Christ. La foi permet de dépasser les sagesses historiques et de vivre dès maintenant en Dieu.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

dix-huit + vingt =